Le shōchū est un alcool japonais traditionnel dont l’essentiel de la production est assurée sur l’île de Kyushu

L’alcool japonais le plus célèbre à travers le monde est sans conteste le saké (お酒), ou nihonshu (日本酒), littéralement « alcool japonais ». Ce vin de riz fermenté relativement léger en alcool est très apprécié en accompagnement d’un plat de sushi ou un oden. Il existe cependant un autre breuvage dont sont friands les habitants de l’île de Kyushu : le shōchū.

Vous avez dit shōchū ?

Contrairement au nihonshu, le shōchū est un alcool distillé. Il titre généralement à 25% et peut être réalisé à l’aide d’une grande variété d’ingrédients tels que le riz, la patate douce, l’orge, le sésame, ou encore des légumes ou des châtaignes (!). Il existe également de nombreuses manières de le boire. Lors de mes premiers voyages au Japon, j’ai par erreur acheté du shōchū, du mauvais shōchū. Mon opinion était donc : le nihonshu, c’est bon – le shōchū, c’est mauvais.

C’était sans compter sur Noriyuki Yamashita, un ami rencontré lors de ma première visite de Kumamoto qui ne cesse de répéter à qui veut l’entendre que le shōchū c’est délicieux et que si on n’aime pas, c’est qu’on n’en a pas goûté suffisamment.

Nori-san travaille dans la bonne humeur pour faire découvrir le shōchū au monde

Je reviendrai sur son bar plus tard, mais pour l’instant, intéressons-nous au processus de fabrication du shōchū qu’il m’a enseigné lors de la visite de deux distilleries de Hitoyoshi, à 1h30 de route de Kumamoto.


Un processus complexe

Les étapes de la fabrication du shōchū

Tout commence par la production du kōji (麹). C’est l’équivalent du « starter » utilisé lorsqu’on brasse une bière : on ensemence une certaine quantité de riz à l’aide de plusieurs champignons qui vont permettre à la fermentation de démarrer plus efficacement par la suite. La plupart des distillerie de shōchū produisent leur propre kōji ce qui participe à l’identité de chaque fabrique. Cette étape est très importante et très contrôlée dans les distilleries. Comme il s’agit de démarrer une fermentation, il est hors de question qu’autre chose que les champignons souhaités entrent en contact avec le malt de riz. Le temps de fermentation du kōji est de cinq jours.

Comme pour la bière, le nihonshu ou le whisky, il faut ensuite réaliser un moût (ou « mash »). L’amidon de la patate douce ne pouvant pas être digéré par les levure tel quel, il s’agit donc de cuire les ingrédients pour transformer leurs sucres en du sucre fermentiscible par le kōji.

Une fois ces deux étapes réalisées, on procède à l’ensemencement. On mélange le kōji et le moût pour lancer la fermentation. Le moût ensemencé restera ensuite une douzaine de jours dans des cuves dédiées jusqu’à ce que les levures aient digéré la plus grande partie des sucres contenus dans le moût. On peut remarquer que cette partie du processus est similaire à tous les alcools distillés mais aussi à la bière. La grande différence entre la bière et le shōchū est que pour la bière, la production d’alcool s’arrête en fin de fermentation tandis que pour les alcools forts, on distille le moût pour en concentrer la teneur alcoolique.

L’étape suivante est donc bien sûr la distillation. Le moût est porté à haute température dans le fond de l’alambic et les vapeurs qui s’en échappent précipitent le long du grand tube à son sommet. L’alcool s’évaporant à plus faible température que l’eau, cette opération permet de séparer ces deux éléments pour obtenir un liquide plus concentré.

Lors de la visite des deux distilleries, on m’a expliqué qu’il existe plusieurs types de distillation pour le shōchū. Le mauvais shōchū est généralement distillé plusieurs fois pour extraire le maximum d’alcool à l’aide du minimum de matière première. Le shōchū de bonne qualité ne subit qu’une seule distillation ce qui permet de conserver un maximum d’arômes. Il existe en plus de tout ça deux variantes : distillation à pression atmosphérique normale pour le shōchū traditionnel, plus robuste et sans doute plus complexe à boire pour un occidental, et distillation à basse pression, qui donne un liquide plus doux, plus sucré et plus aromatique.

Les alambics de la distillerie Fukano

La dernière étape est le vieillissement. Les techniques varient énormément en fonction des distilleries et d’une sorte de shōchū à l’autre. La plus basique est le vieillissement en cuve inox, mais on trouve également du vieillissement en amphore ou encore en fût de chêne. Dans la distillerie artisanale Fukano, on laisse certains shōchū jusqu’à dix ans en amphore et d’autres moins longtemps dans des fûts de chêne par exemple. Des mélanges peuvent également être réalisés en fonction des arômes qu’on souhaite obtenir.


Distillerie Sengetsu

A la distillerie de Sengetsu, la seule céréale distillée est le riz. C’est donc l’endroit parfait pour tester différentes formes de distillation, de vieillissement et trouver les subtilités qu’un même ingrédient peut produire grâce aux différents procédés de production. Je n’ai que peu de photos du lieu car si la distillerie se visite, l’intérieur est gardé secret. Cependant croyez-moi, c’est immense et la production, si elle n’égale pas celle d’une grosse distillerie de whisky, est très importante.


Distillerie Fukanoshuzo

Chez Fukanoshuzo, la production est beaucoup plus artisanale. Les volumes sont moindres et les expérimentations sont plus nombreuses. On peut y trouver du shōchū fait à partir de châtaigne ou d’une vingtaine de légumes différents. Ils ont également un variété qu’ils laissent vieillir dix ans en amphores, ce qui est rare compte tenu de la place occupée dans le stockage. Ils vont jusqu’à coller les étiquettes à la main.

Ils m’ont laissé photographier la quasi intégralité de leurs installations et je tiens à les remercier pour ce geste.


J’espère que cet article n’était pas trop long et que vous en savez maintenant un peu plus sur le shōchū. Sachez que les habitant de Kyushu portent au shōchū un amour pareil à celui des Français pour le vin et que si vous visitez la région un jour, il vous faudra absolument y goûter !

Je sais qu’on peut trouver du shōchū en France, mais ceux que j’ai goûtés n’étaient pas forcément terribles… Je reviendrai sur les notes de dégustation dans un prochain article dédié cette fois-ci au bar de Noriyuki !