Dans les hauteurs de Beppu, les onsen sont si nombreux que la ville fume

Il y a quelques jours, j’ai séjourné à Beppu (別府), ville du nord de Kyushu, célèbre pour ses sources thermales appelées onsen (温泉 – ou source chaude). Les onsen sont des bains publics où on se baigne nu dans une eaux avoisinant les 40°C. La plupart du temps les hommes et les femmes sont séparés mais il existe certains bains mixtes. A Beppu, on peut trouver deux sortes de bains : au centre de la ville, les bains les plus clairs, moins chargés en soufre, idéaux pour une baignade quotidienne, au sud de la ville, dans les montagnes, on trouve une eaux beaucoup plus soufrée (l’odeur s’en ressent d’ailleurs grandement !), et puisqu’ils sont plus difficiles d’accès et que l’eau a des propriétés plus fortes, ils conviennent plutôt à des excursions exceptionnelles.

Comment se baigner ?

Lors d’une baignade dans un onsen, il y a plusieurs règles à respecter. Tout d’abord, il faut se déshabiller intégralement dès les vestiaires. Ensuite, il faut se laver totalement, corps et cheveux, en face d’un miroir, sur un petit tabouret. Une fois rincé, on peut alors entrer dans le bain, ou un des bains car ils peuvent être nombreux, en prenant garde à la température élevée qui peut surprendre la première fois. On évitera de tremper sa serviette dans l’eau, de même qu’on évitera de mettre sa tête sous l’eau. On utilise d’ailleurs une serviette d’un format ridicule pour se sécher, mais aussi pour se savonner si on le souhaite. Pour s’arroser le crâne, on peut utiliser une petite bassine qui peut également servir à s’asperger avant d’entrer dans un bain si on a peur que ce soit trop chaud.

Quelques règles à observer dans un onsen

Normalement, le calme est de mise. On ne parle pas fort, on évite de trop se regarder les uns les autres au niveau de la ceinture. C’est d’ailleurs un des meilleurs endroits pour croiser le regard d’un inconnu et commencer une discussion inopinée. Il m’est arrivé de faire de bonnes rencontres dans un onsen : étant le seul blanc dans le bain généralement, les Japonais sont souvent curieux de savoir d’où je viens et comment je me suis retrouvé ici.

Ca peut paraître bizarre de prime abord, mais le onsen est un vrai lieu de convivialité. De détente avant tout, mais on peut y croiser son voisin, le vendeur de l’épicerie du coin, le chef ramen de la rue d’à côté, etc. C’est un espace commun où tout le monde vient dans le même but et se retrouve dans la même tenue. Impossible ici de savoir si untel est riche ou pauvre, dans la mode ou dans l’industrie poissonnière, bien mis ou habillé de fripes. C’est un lieu de détente où on peut oublier les préjugés et parfois échanger librement avec des gens qu’on aurait jamais imaginé aborder en pleine rue.

En plus de ses vertus apaisantes pour l’esprit, les eaux naturelles des onsen ont souvent des propriétés médicinales recherchées pour soigner des maux aussi divers que les rhumatismes, les problèmes de peau, les douleurs musculaires, un peu à la manière des cures thermales qu’on peut trouver en France. Il est donc intéressant de se renseigner sur le type d’eau qu’on peut trouver à tel ou tel endroit.

Il existe des eaux ferrugineuses, soufrées, alcalines ou au contraire acides, et même parfois légèrement radioactives (!). A chaque type d’eau ses propriétés curatives. A Beppu, il s’agit avant tout d’eau soufrée, en lien avec l’activité volcanique alentour. Pour en savoir plus sur les propriétés thérapeutiques des onsen, je vous invite à lire cet article sur nippon.com.

Compte tenu de la nudité omniprésente dans ces lieux, il est très compliqué de réaliser des photos des intérieurs, et les extérieurs n’ont généralement que peu d’intérêt. J’ai pu prendre quelques photos de celui de l’auberge où je travaille actuellement sur Shikoku (resort Genryu No Sato de Shimanto River – 四万十源流の里の桜). Vous pourrez ainsi vous rendre compte de ce à quoi peut ressembler un onsen simple du type de ceux qu’on peut trouver au centre de Beppu par exemple.


Tsuru no yu

Lors d’une excursion dans les montagnes de Beppu, non loin de ses célèbres enfers, je me suis arrêté à Myoban (明礬) et j’ai marché dans la montagne pour finalement tomber sur un onsen « sauvage », construit je ne sais quand par les habitants du coin qui viennent toujours s’y relaxer quotidiennement. L’ambiance est bien différente d’un onsen classique : ici, tout le monde se connaît, parle fort, rit à gorge déployée, certains fument même dans l’eau (en prenant garde à ne pas faire tomber la cendre dans l’eau). La plupart des personnes que j’ai rencontrées ici ont largement dépassé la soixantaine, mais j’ai réussi, avec mes rudiments de japonais, à échanger avec eux.

On m’a offert une orange du coin, on m’a invité à aller dans le bain (nu en pleine montagne donc), mais on m’a également fait comprendre qu’ils avaient leurs propres règles. On ne rentre pas par le mauvais côté du bain, on se rince avant car impossible de se laver vraiment ici, et on reste aussi longtemps qu’on peut dans l’eau la plus chaude dans laquelle je sois jamais entré.

C’était un moment assez inattendu et exceptionnel dans le sens où je ne pensais pas tomber là dessus, ni me baigner au milieu de nulle part avec de parfaits inconnus, et encore moins rire autant avec eux.

Ce bain est mixte d’après eux, mais je n’ai bien sûr croisé aucune femme dans le coin. Ils m’ont fait comprendre qu’ils aimeraient bien que ça change, mais ça n’a pas l’air d’être au goût de tout le monde…


Lors de cette excursion, j’ai également pris le temps de déguster une spécialité du coin : le onsen-tamago (温泉卵), autrement dit, oeuf cuit lentement dans les vapeurs des sources chaudes. Pourquoi un oeuf ? J’imagine que c’est raccord avec l’odeur de soufre omniprésente dans le coin et que cuire de la viande aurait été beaucoup moins appétissant. Une chose est sûre : c’est fondant, coulant, vraiment délicieux !


Conclusion

Pour conclure, je dirais qu’avec les ramen, soupe de nouilles dont je parlerai dans un prochain article, les onsen sont la raison principale de mon amour pour le Japon. Je pense que ces espaces de détente contribuent à la longévité légendaire des japonais. Ils contribuent au moins à leur bien être quotidien et je compte bien en profiter durant le reste de mon séjour…

Bonus : le coin fumeur du restaurant des onsen tamago...
Bonus : le coin fumeur du restaurant des onsen tamago…