Dans un précédent article, je vous ai expliqué comment était fabriqué le shōchū, cet alcool japonais typique principalement fabriqué sur l’île de Kyūshū. Cette fois-ci, je vais vous présenter le meilleur endroit pour découvrir cette boisson : le Glocal BAR Vibes, établissement tenu par mon ami Noriyuki Yamashita à Kumamoto.
A propos de Kumamoto
Kumamoto n’est pas la destination la plus prisée par les touristes. En effet, située en plein cœur de Kyūshū, la ville semble un peu coupée du reste de l’archipel. Pourtant, depuis des années, les habitants et la municipalité s’efforcent de faire tout leur possible pour attirer les touristes. C’est d’ailleurs dans cette optique que la mascotte Kumamon a été imaginée, jusqu’à devenir la mascotte la plus célèbre du Japon.
C’est également pour cette raison que le séisme de 2016 a été un choc énorme pour la ville. En plus de faire un grand nombre de victimes, le château, monument emblématique s’il en est, a été gravement endommagé, pénalisant l’activité touristique. On retrouve donc chez de nombreux habitants une chaleur humaine que j’ai rarement rencontrée ailleurs. Nori-san ne fait pas exception à la règle et son bar est définitivement le meilleur endroit au monde pour déguster un shōchū digne de ce nom !
Comme je l’expliquais dans le précédent article, il existe une très grande variété de shōchū. Bien sûr, comme la plupart des denrées au Japon, chaque lieu de production a sa spécialité. Par exemple, dans la région de Kumamoto, la spécialité est le Kuma-shōchū, réalisé à l’aide de riz. Nori-san m’expliquait qu’il y a longtemps, les taxes se collectaient sous forme de riz. C’était, et c’est toujours d’ailleurs, un ingrédient cher et convoité. Réaliser de l’alcool à partir de cet aliment était un luxe et il était difficile pour les habitants de la région de garder suffisamment de riz pour ça après la collecte des taxes. Dans les environs de Hitoyoshi, où se trouvent les deux distilleries que j’ai pu visiter, la topographie est telle que les habitants ont pu cacher des rizières dans les montagnes et ainsi continuer à produire le riz nécessaire pour assouvir leur soif.
La région de Kagoshima est quant à elle plutôt spécialisée dans le shōchū de patate douce. A Okinawa, on trouve surtout du shōchū de sucre brun… Il faut aussi noter que 4 des 5 préfectures qui consomment le plus de shōchū au Japon sont sur Kyūshū. La cinquième étant Tōkyō, mais la consommation par habitant reste au moins 5 à 8 fois inférieure à celle de Kumamoto, et puis il y a 10 fois plus d’habitant dans la préfecture de Tōkyō…
Comment commander et déguster ?
Lorsqu’on commande un verre, il faut demander plusieurs choses :
- Quel ingrédient ?
- Distillation à haute ou basse pression ?
- Chaud ou froid ?
- Vieilli en fût ou non ?
Pour un novice, je recommande fortement de goûter une base de riz (kome – 米), de patate douce (sweet potato – スイートポテト), ou d’orge (mugi – 麦). Si vous préférez quelque chose de doux, demandez un shōchū agé en fûts (kasuku jukusei – キャスク熟成) et distillé à basse pression si le choix est possible. Vous obtiendrez quelque chose d’agréable et qui se rapprochera des notes d’un bourbon léger. Quant à la température, je recommande fortement de le boire chaud. Les arômes ressortent mieux, alors que le glace permet rafraîchir au détriment du goût.
Si vous souhaitez découvrir le shōchū plus traditionnel, essayez la patate douce en distillation normale sans vieillissement en fût. Vous obtiendrez quelque chose de plus brut, de moins sucré. Comparer les deux est intéressant et vous donnera une idée de l’étendue des saveurs possibles.
Dans tous les cas, si ce que vous goûtez ne vous plaît pas, n’hésitez pas à en essayer un autre. Variez les ingrédients, les vieillissements, chaud ou froid… Le bar de Nori-san propose d’ailleurs un set de dégustation qui permet de goûter 4 sortes shōchū en petites quantités pour se faire un avis et trouver son goût ! Ce bar est d’ailleurs un des seuls endroits que j’ai visités où la carte pour les étrangers est plus fournie et avantageuse que celle en japonais.
Une dernière chose concernant la dégustation : essayez de vous concentrer sur les notes finales. Contrairement au whisky qui possède une attaque très marquée, le nez du shōchū est parfois moyen, et la prise en bouche sera légère. Par contre, le final est très souvent long et évolutif. J’ai pu en goûter un qui partait d’un goût doux et sucré, évoluant vers les épices pour finir sur une fraîcheur mentholée… Vraiment surprenant !
A propos de Noriyuki Yamashita
J’ai rencontré Nori-san lors d’un précédent voyage. Avec François, nous sommes allés à Kumamoto 6 mois avant le séisme. Nous avons séjourné dans une auberge nommée Asobigokoro, en banlieue proche de la ville. Un petit ryokan sympa et pas cher. Le membre du staff qui nous a accueilli nous a recommandé plusieurs choses à faire dans le coin et nous a parlé de Nori-san, nous disant qu’il pouvait nous emmener manger dans un endroit typique… Une fois le rendez-vous pris, nous avons découvert le dernier yatai (屋台) de Kumamoto. Mais j’en parlerai une prochaine fois.
Cette rencontre d’un soir était tellement humaine et agréable que c’est ce qui m’a poussé à démarrer mon séjour par Kumamoto. Cela faisait longtemps qu’il me parlait de shōchū et j’avais très envie de connaître ses conseils avant de me lancer dans la dégustation. Je suis donc allé à son bar le soir de mon arrivée et j’ai été reçu comme un ami de longue date.
Je le savais passionné par cet alcool, mais ce que j’ignorais, c’est qu’il est en train de devenir une vraie référence à travers le Japon et même à l’international ! Il a rencontré plus de 40 producteurs de shōchū et attache une importance particulière à aller sur place autant que possible avant de commander pour son établissement.
Lors du séisme, quelques mois à peine après l’ouverture du Glocal BAR, il a perdu la quasi intégralité de ses bouteilles. Il s’est donc imaginé ruiné et devant fermer boutique. Grâce à sa proximité avec les différents producteurs, il a pu obtenir de l’aide et des bouteilles directement auprès d’eux. Il tient de temps à autre un bar éphémère (pop-up store) lorsqu’un festival a lieu dans l’archipel.
Sa devise est : « Think global, act local ». Autrement dit, faire découvrir la culture du shōchū au monde au travers d’échanges humains et amicaux. Et je dois dire que ça marche plutôt bien étant donné que c’est le second article que j’écris sur le sujet.
En bref, si vous prévoyez lors d’un voyage d’aller à Fukuoka, Kagoshima, Beppu ou Yakushima, faites un saut par Kumamoto et rendez-vous au Glocal BAR Vibes pour le rencontrer, lui et son alcool préféré (il parle très bien anglais !).